Batman (motion picture soundtrack) est le douzième album de Prince (le 11ème dans l’ordre de parution). Il est la bande originale du film Batman de Tim Burton. Il est paru le 20 juin 1989 chez Warner Bros.

 

Genèse

A la fin de l’année 1988, les finances sont une préoccupation pour Prince. L’album Lovesexy a été un relatif échec commercial, et la partie américaine de son show Lovesexy ’88 est déficitaire. Les studios Paisley Park tournent à plein régime mais rapportent peu. Les coûts de structure et de personnel sont importants.

C’est dans ce contexte que Prince est contacté en décembre 1988 par l’organisation en préparation du film Batman, qui est le premier film de super héros de la nouvelle génération. Tim Burton, le réalisateur, et Jack Nicholson, qui joue le rôle du Joker dans le film, sont de grands admirateurs de Prince. Ils ont intégré deux de ses morceaux dans une version de travail du film : 1999 et Baby I’m A Star. Ils ont approché Prince pour obtenir son autorisation pour l’utilisation des titres, ou savoir s’il voulait en écrire de nouveaux.

D’abord réticent, Prince se rend sur invitation à Londres aux studios Pinewood, sur le plateau de tournage du film en janvier 1989. Il est alors emballé par le projet. Lors d’un déjeuner de travail avec Mark Canton, le Directeur de la division films mondiale de Warner Bros, il fut décidé que Prince contribuerait à la bande originale du film. Prince a souhaité retourner immédiatement en studio travailler sur le sujet, cependant il était aussi engagé dans la partie japonaise de la tournée Lovesexy, programmée en février 1989. C’est donc seulement à son retour du Japon le 15 février 1989 que les sessions studio de Batman débutent.

Prince a également remis à plus tard le projet d’un album devant succéder à Lovesexy, et qui devait en poursuivre le cheminement spirituel. L’album intitulé Rave Unto The Joy Fantastic est constitué à ce stade de neuf titres et a été assemblé en janvier 1989. Pour autant, mis à part le caractère spirituel des chansons il n’y avait pas de thème réel pour cet album, qui n’était guère plus qu’une compilation de titres enregistrés au cours de l’année.

 

Enregistrement

Les sessions propres à Batman ont eu lieu sur un rythme effréné, à Paisley Park, entre le 15 février et la fin mars 1989. Au bout de seulement deux semaines, Prince présenta une série de 11 morceaux à l’équipe du film, soit beaucoup plus que nécessaire pour une bande originale. Il fut alors décidé de sortir un album « inspiré par le film », tandis que la véritable B.O. du film, avec la musique écrite par Danny Elfman, ferait l’objet d’une édition spécifique. Les sessions se sont poursuivies sur tout le mois de mars.

Prince invita Sheena Easton à Minneapolis pour enregistrer en duo le titre The Arms Of Orion. Il avait aussi composé et enregistré un long titre sombre, Dance With The Devil, qui fut jugé trop monotone, et fut remplacé par l’éblouissante Batdance. Il fut également envisagé d’intégrer le titre Rave Unto The Joy Fantastic, initialement prévu comme morceau-titre de l’album du même nom. Ayant réceptionné des extraits du film, Prince utilisa des dialogues pour lier les morceaux, ainsi que dans le titre Batdance. Un titre précédemment existant, Anna Waiting, a été retravaillé pour devenir Vicki Waiting, pour coller avec le personnage de Vicki Vale. De même, Electric Chair avait déjà été enregistrée en juin 1988, et Scandalous date d’octobre.

 

Éditions

L’album Batman est paru en LP, cassette, et CD. Une édition picture disc est également produite en Angleterre. Parmi les objets collectors, nombreux autour du film, on trouve une édition du CD dans une boite en fer, avec des photos du film.

Side 1:

1. The Future (4:07)
2. Electric Chair (4:07)
3. The Arms Of Orion (5:02)
4. Partyman (3:11)
5. Vicki Waiting (4:51)

 

Side 2:

1. Trust (4:23)
2. Lemon Crush (4:15)
3. Scandalous (6:14)
4. Batdance (6:13)

 

Singles

Compte tenu de l’énorme promotion faite autour du film, les singles ont fait l’objet de beaucoup d’éditions collector, picture disc ou éditions spéciales.

Le premier single proposé fut Batdance, couplé avec l’inédit 200 Balloons en face B. Le single contient une version edit de Batdance (supprimant le solo de guitare ainsi qu’une partie centrale du morceau), et les maxi-singles existent sous plusieurs formes intégrant parfois les versions The Batmix et Vicki Vale Mix, des remixes « house » de Willam Orbit, ou simplement la version de l’album. Un picture disc est également paru en Angleterre.

Le second single fut Partyman, une autre sortie importante et gros succès. Les singles contiennent la version de l’album, ainsi que le titre inédit Feel U Up (short stroke) en face B, qui provient de l’album de Camille de 1986. Tout comme Batdance, les maxi-singles européens sont sortis en premier. Ils contiennent la version Video Mix de Partyman, ainsi que la version Long Stroke de Feel U Up. Une édition picture disc de cette configuration paraît en Angleterre. Un peu plus tard, les maxis américains contenaient deux remixes supplémentaires : Purple Party Mix et Partyman Music Mix. Ces deux remixes sont parus sur des éditions européennes peu après.

Vient ensuite The Arms Of Orion. Les versions sont assez limitées : on trouve un edit sur les 45T et CD-singles, mais pas de version extended ou remixée. L’Angleterre édite un picture disc. La face B est à nouveau un titre inédit : I Love U In Me. 

Le single suivant est Scandalous, qui est également une importante sortie en single. On trouve une version edit (qui supprime un passage au début de la chanson, ainsi que la fin), et sur les maxi (CD et vinyle) une superbe version de 19 minutes en trois parties : The Crime, The Passion et The Rapture, en duo avec Kim Basinger ! Cette version est présentée comme The Scandalous Sex Suite sur les pochettes. Il n’existe pas d’édition picture disc en revanche. A noter que l’Espagne a fait paraître The Crime en 45T promotionnel.

Sur les éditions commerciales de Scandalous, on trouve également un inédit : Sex (The 80’s Are Over And The Time Has Come 4 Monogamy And Trust).

 

Enfin, un cinquième single sera proposé uniquement sur le marché européen : The Future, couplé avec Electric Chair. La version maxi donnera lieu à des versions remix de ces deux titres, réalisés par William Orbit.

Pour l’anecdote, tout un étant un rêve de collectionneur, le titre Trust sera édité en maxi promotionnel à Hong-Kong, limité à… 50 exemplaires, sous une pochette présentant Jack Nicholson grimé en Joker.

 

7″ singles

• Batdance / 200 Balloons
• Partyman / Feel U Up
• The Arms Of Orion / I Love U In Me
• Scandalous / Sex
• The Future / Electric Chair EU

 

12″ singles

• Batdance (remix) / 200 Balloons
• Partyman (video mix) / Feel U Up (long stroke)
• Partyman (Purple Party Mix) / Feel U Up
• The Arms Of Orion / I Love U In Me
• Scandalous (The Scandalous Sex Suite) / Sex
• The Future (remix) / Electric Chair (remix) EU

 

Analyse

Comment aurait-on pu imaginer que le Prince de Dirty Mind, 1999 ou Lovesexy viendrait s’embarquer dans la bande originale d’un personnage de bande dessinée, fut-ce t-il son héros d’enfance ? Qui aurait pu penser à Prince, personnage lubrique et homme de tous les scandales, dont le public américain est déjà rassasié, comme candidat à l’élaboration du premier film Batman, doté d’un budget de 35 millions de dollars ?

Contre toute attente, l’alchimie a parfaitement fonctionné. Prince s’est totalement imprégné de l’univers du film, délivrant une musique fidèle à l’ambiance stylistique de Tim Burton. D’un autre côté, Prince a réussi à intégrer certains éléments de son univers personnel, permettant de poursuivre les thèmes qui lui sont familiers. Il a ainsi introduit une dose de sexiness dans l’album et dans les vidéos, alors que le film est dépourvu de toute sensualité. Il a également continué à aborder le sujet de la lutte entre le bien et le mal évoqué dans Lovesexy à travers les personnages du Spirit Child et de Spooky Electric. Ici, il se permet même de créer un nouveau personnage : Gemini, mi-Joker / mi-Batman, présent sur l’album et dans les vidéos de Batdance et de Partyman.

Batman est plus un album de Prince qu’une réelle bande originale de film. On entend seulement six minutes de ce disque dans le film. Seuls les titres Partyman et Trust sont présents de façon proéminente dans le film, les autres morceaux étant relégués aux fonds sonores. Pour autant, l’album va bénéficier de l’énorme promotion et du succès phénoménal du film, qui rapportera plus de 400 millions de dollars !

Musicalement, Prince a livré un album aux sonorités modernes. Pendant son séjour à Londres, il a étudié le phénomène de la house music, un courant émergeant à l’époque. Alors que Lovesexy délivrait une musique organique et riche de trouvailles sonores, les arrangements de Batman sont lisses et tous les instruments acoustiques sont samplés ou travaillés sur des machines électroniques. Il en résulte un son assez froid et linéaire, mais qui colle bien avec l’ambiance visuelle du film.

Dans l’ensemble l’album a bien vieilli, mais à l’époque de sa sortie beaucoup de fans ont fustigé le côté simpliste et l’inspiration en retrait, tout en justifiant qu’il s’agissait d’un album « sur commande » pour les besoins d’un film grand public.

Prince attribue chaque titre à l’un des personnages du film. Ainsi, Vicki Waiting est écrite selon la perspective de Bruce Wayne, le héros du film quand il n’est pas Batman, tandis que Electric Chair ou Partyman sont des morceaux du Joker. Le morceau final, Batdance, rassemble tout le monde dans un medley survolté. Là aussi, Prince est contemporain et malin : l’année 1989 voit apparaître sur le marché un grand nombre de « megamixes », ces medleys composés des principaux hits d’un artiste ou d’un groupe. Ce phénomène de mode est repris pour Batdance, un titre composé de plusieurs parties mixées entre elles, et reprenant des éléments en provenance des autres titres de l’album. Une vraie trouvaille qui permet à Prince d’être au goût du jour, et de décrocher une place de n°1 aux États-Unis.

Les autres morceaux les plus remarqués seront Partyman, titre efficace et jouissif dans un style que l’on connait bien déjà, Vicki Waiting qui est d’un style assez nouveau chez Prince, et Scandalous. En revanche, The Arms Of Orion fait hurler les fans par son côté ballade romantique un peu trop prononcé. Quant à Trust et Lemon Crush ces titres tournent en boucle sur une même idée de base, ce qui les rend un peu fatiguant.

Plus intéressantes encore seront les faces B proposées en complément de l’album. Si 200 Balloons ne laisse pas un souvenir impérissable, tout en s’intégrant bien dans l’ambiance du film, la présence de Feel U Up est surprenante. Le titre, qui signifie « te peloter » est ici attribué au Joker, ce qui fait sens. I Love U In Me détonne également. Doté d’un double sens très malin (« je t’aime en moi »), cette ballade épicée est assez sympathique. Enfin, le titre Sex est un pamphlet pour la monogamie, statuant que « les années 80 sont finies, et le temps est venu pour la monogamie et la confiance ». Mais c’est un peu comme si Prince tentait de se convaincre lui-même. Musicalement, c’est un morceau qui propose un motif répétitif au piano, proche de la house music. A ce moment là, Prince paraît coller parfaitement à l’ère du temps.

Critiques

D’une manière générale, l’album Batman reçu des critiques moins bonnes que celles habituellement reçues par Prince. Alors que Sign O’ The Times ou Lovesexy flirtaient avec les quatre, voire les cinq étoiles, Batman n’obtint que 3 étoiles et demi à quatre.

 

Performances commerciales

La bande originale de Batman a bénéficié de l’engouement pour le film, et permis à Prince de retrouver le sommet des charts. L’album a été certifié double platine (2 millions d’exemplaires) en à peine deux mois aux Etats-Unis, et on estime que les ventes mondiales sont de l’ordre de 4,4 millions. L’album reçoit également des certifications au Royaume-Uni, en France, en Allemagne et en Australie. Il sera classé n°1 aux États-Unis au Billboard 200 (et n°5 dans la sous-catégorie Black Albums), ainsi qu’en Angleterre, Pays-Bas, et Suisse. Il sera dans le top 3 en Suède, Norvège, Allemagne et Autriche.

Le single Batdance est le quatrième titre de Prince classé n°1 aux Etats-Unis (après When Doves Cry, Let’s Go Crazy et Kiss). Il sera également présent dans le top 10 de plusieurs pays européens dont la France (5ème place). Il est certifié disque de platine aux Etats-Unis.

Les autres singles feront des apparitions dans les charts aux Etats-Unis et en Europe, Partyman étant celui qui a le mieux marché.

Ce qui est dommage, c’est que cette réussite commerciale ne profite pas directement au label Paisley Park, puisque toutes les éditions liées à ce projet paraissent sur le label standard de Warner Bros. Au final, à date, Paisley Park Records ne parvient toujours pas à se démarquer commercialement.

 

Héritage

Batman a un statut d’album assez particulier. Il surpris de nombreux fans, qui ne comprenaient pas comment ce disque s’inscrivait dans la discographie d’ensemble de Prince. Pendant longtemps, il fut considéré comme « un album sur commande », que les fans ont accueuilli avec bienveillance, en se disant que le prochain serait un disque de Prince en bonne et due forme. Malgré tout, plusieurs titres sont devenus des classiques dans le répertoire de Prince, notamment Scandalous ou Partyman. Le titre The Future a été joué en introduction des concerts du Nude Tour en 1990, tandis que Vicki Waiting fit une apparition dans le set list de la tournée japonaise de début 1996.