Cet article relate mon expérience vécue lors du concert de Prince, à Paris Le Zénith, le 28 octobre 2002 dans le cadre de la tournée One Nite Alone.
Contexte
Le concert de Paris au Zénith en 2002 se situe vers la fin de la partie européenne de la tournée One Nite Alone. Après ce show, il restera à Prince et son groupe seulement trois dates. Nous abordons ce show après avoir assisté déjà à deux concerts : celui de Francfort le 13 octobre, et celui d’Anvers le 18 octobre. Comme pour les shows précédents, les billets pour ce concert ont été achetés via le NPG Music Club, ce qui nous autorise l’accès au soundcheck en milieu d’après midi. Quelque temps plus tard, il fut également possible d’acheter à l’avance un billet pour l’aftershow du Bataclan prévu dans la même soirée.
Pour Paris l’organisation du spectacle est confié à la société Interconcerts, avec qui j’entre en contact juste après le concert d’Anvers. En échangeant avec la responsable de l’organisation sur les modalités du concert, il apparaît qu’ils ne sont pas du tout informés du déroulement des opérations ! Je dois donc leur expliquer ce qu’est le NPG Music Club, que nous devons avoir accès au soundcheck dans l’après midi, qu’il doit y avoir une fosse séparée pour les membres du club dans le Zénith, etc. La réponse de mon interlocutrice est catégorique : « il n’est pas prévu de fosse séparée et de toute façon, on ne fait jamais ce genre de chose au Zénith ! « . J’avais envie de lui rappeler que lors du premier concert de Prince au Zénith en 1986, il y avait déjà une fosse séparée, et même avec des sièges devant ! Mais ce n’était pas elle l’organisatrice à l’époque. Quelques jours plus tard, lors d’un nouvel échange téléphonique : « euh, Laurent, finalement il y aura bien une fosse séparée ».
Lorsque l’aftershow du Bataclan a été organisé quelques jours avant le concert, nouveau coup de téléphone et là la tension est très sensible, et il semblerait que la vente de billets exclusivement via le site du NPGMC passe très mal auprès des organisateurs de concerts. Comme quoi les méthodes de Prince n’ont pas fini de provoquer des séismes dans le monde de la musique !
L’autre point de tension concerne le contenu du show. Prince a choisi de structurer sa tournée sur l’album The Rainbow Children paru en octobre 2001, et sur l’album de solo piano One Nite Alone. Du coup, il écarte du set list la plupart de ses hits, n’hésitant pas à malicieusement apostropher le public à ce sujet sur la tournée américaine : « nous ne sommes plus en 1984 », dit-il parfois, « mais en 2002, vous devez laisser de côté vos attentes ! » Il ajoute ensuite souvent : « nous ne sommes pas intéressés par ce que vous savez déjà, mais par ce que vous êtes prêts à apprendre ». Ainsi, le fait que Prince ne jouait pas le morceau Purple Rain, par exemple, lors de la tournée avait eu un certain retentissement dans la presse et cela était parfois considéré comme une insulte auprès des fans qui dépensent de l’argent dans un billet de concert. D’après la responsable d’Interconcerts, pour le show du Zénith cette attitude avait un impact défavorable sur les ventes de billets. En réponse à cela probablement, au fil de la tournée européenne Prince ajouta plusieurs hits mineurs dans le set list, comme Money Don’t Matter 2-Night ou Pop Life. Quant au titre Purple Rain, il fut intégré tardivement sur certains shows ayant lieu juste avant Paris. Mais il restait à savoir s’il serait effectivement joué au Zénith…
Avant le show
Les environs du Zénith voient arriver les premiers fans entre 9h30 et 10h00, à ce stade ils étaient à peine une dizaine. Assez rapidement, de petits groupes arrivent et se joignent aux premiers arrivants. Vers midi, nous étions une cinquantaine. Rapidement, les choses s’organisent devant les deux grilles les plus à gauche : les membres du NPGMC se voient attribués un numéro de façon à conserver leur place dans la queue. Toutefois, comme ce fut le cas à Anvers, cela n’a servi qu’à l’extérieur du Zénith puisque ensuite la sécurité n’a tenu aucun compte des numéros établis. D’autre part, il y a cette fois ci pas mal de réfractaires à ce système de numéro qui tombe un peu à plat après quelques heures. Cependant les discussions vont bon train, et les rumeurs sur le contenu de l’aftershow alimentent les conversations.
Le service de sécurité est arrivé vers 14h30 avec l’organisatrice du Zénith. On a tout de suite remarqué qu’ils n’étaient pas organisés : ils ne savaient même pas comment cela se passait avec les laminates, les bracelets, les listes, les « guests », etc… un officiel du staff NPGMC et que j’avais déjà repéré à l’entrée des shows précédents est venu leur expliquer, mais manifestement ils n’arrivaient pas à s’entendre sur les modalités.
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Semble t-il que rien n’était vraiment prévu à l’avance et le staff du Zénith a du gérer la situation. A un moment donné, j’entends que mon nom est hurlé depuis l’autre côté de la grille ! Ils sont venus me trouver parmi les fans pour les aider à comprendre comment les choses doivent se passer. C’est donc moi qui doit tout leur expliquer, un comble ! Évidemment, dans la désorganisation à la française, il se trouve qu’il y a eu davantage de places NPGMC vendues sur le site de Prince que la capacité réelle de la fosse réservée ! Paris est victime de son succès, et il faut s’adapter. Il est donc décidé de proposer aux fans deux possibilités : aller dans la fosse, ou bénéficier d’une place assise dans les gradins.
Et sans trop que je comprenne comment ni pourquoi, me voilà affecté à la distribution des places lors de l’entrée des fans pour le soundcheck ! Pour chaque personne qui passe, il faut demander s’il souhaite aller en fosse ou dans les gradins. Un porte parole est venu à l’extérieur expliquer comment cela allait se passer, qu’il fallait entrer « 3 par 3 » (pratique…) et que les portes intérieures ne s’ouvriront qu’une fois tout le monde présent dans le hall. La déception viendra ensuite pour les fans ayant choisi les gradins, car les places proposées sont de deuxième catégorie, tout en haut du Zénith. Néanmoins le fait de pouvoir assister au soundcheck compense un peu.
C’est donc seulement lorsque tous les membres du NPGMC sont passés que je peux enfin rejoindre mes camarades, sur les conseils de l’officiel du NPGMC qui me dit « tu ferais mieux d’y aller maintenant plutôt que de t’occuper de ça ! »
Pendant un assez long moment, les fans se tassent devant les portes intérieures et attendent. L’entrée est barrée d’une simple barrière métallique. Assez rapidement, nous entendons le groupe qui est déjà sur scène, et s’échauffe sur plusieurs morceaux. Prince lui même est entendu faire des essais de micro ‘Check 1-2’, il va même hurler « Paris ! » au micro, ce qui bien évidemment déchaine des cris de notre coté. D’après certains témoignages, il est même venu à la rencontre des fans devant certaines portes avant de repartir sur scène, mais je ne l’ai pas vu.
Il semble qu’à ce moment là certains fans ont pu commencer à pénétrer dans la salle. La sécurité, toujours aussi désorganisée, a ouvert certaines portes tout en laissant d’autres fermées. Sur scène, Prince joue avec le groupe une très belle version de Power Fantastic. Plusieurs essais seront faits sur ce titre avant que le soundcheck ne débute réellement.
Le soundcheck
En entrant dans la salle, nous constatons que la fosse NPGMC est large et occupe facilement un tiers de totalité de l’espace ! Il est facile de se placer, mais ça pousse un peu surtout dans les premiers rangs. « Ne courez pas », dit Prince qui est sur scène dans un pull aux rayures ‘rainbow’ et un chapeau violet.
Prince débute le soundcheck par une improvisation au piano reprenant Sweet Baby, puis il continue avec With You. Vient ensuite un long jam improvisé, plus ou moins contenant des éléments sonores de Xenophobia, en y ajoutant les paroles de Sweet Baby. La chanson n’est d’ailleurs pas reconnaissable autrement que par les paroles. Le morceau est dément, et Prince nous gâte pendant les soundchecks ! Candy Dulfer et Greg Boyer sont sollicités pour des solos, ce qui permet de remarquer que Eric Leeds n’est pas présent.
Une improvisation avec Prince aux claviers s’ensuit donnant lieu à un chant avec le public : « Paris, We Come 2 Get Down » et « One Nation Under A Groove ». C’est excellent, et l’ambiance dans la fosse est terrible. Ça va être funky ce soir ! Les surprises arrivent encore avec une reprise de Cool de The Time, chanté par Prince qui joue la ligne de basse aux claviers ! Candy est à nouveau sollicitée pour un solo. Vient ensuite un très bon medley Automatic / Shake, avec de nouveaux solos. Fait amusant : Prince se moque de la chanteuse Shakira et de son tube Underneath Your Clothes qu’il a dû entendre à la radio dans l’après midi. Une nouvelle impro démarre, conduisant Prince à prendre sa guitare et enchainer avec le Santana Medley. C’est alors que Maceo Parker fait son entrée sur scène, totalement défraichi. On dirait dit qu’il débarquait de son avion, il n’a pas son saxophone avec lui. Bien évidemment il est ovationné par le public. Prince profite de l’occasion pour lancer Pass The Peas, débuté à la guitare par Prince le temps que Maceo revienne avec son saxo dans les mains.
En conclusion, le soundcheck de Paris a duré une heure (de 17h30 à 18h30) et a contenu de très bons moments !
Le show
Le soundcheck est à peine terminé que le public commence à entrer dans la salle. Vers 20h00, DJ Dudley en complet veston reprend possession de ses platines et diffuse un mix de vieilleries funk qui échauffent le public. Blackwell se met en place à 20h15 et fait un petit solo, Maceo arrive sur scène en jouant, puis le groupe part sur The Rainbow Children. Prince fait alors son entrée sous un spot de lumière et débute le show avec la grosse voix qui ouvre l’album. La version est grandiose et l’occasion de différents solos. Prince entre et sort de scène sans arrêt. Il a l’air en grande forme. Le groupe poursuit sur Muse 2 The Pharaoh que je n’avais jamais entendue live jusqu’ici. La version est très bonne et Prince s’en donne à coeur joie au piano.
Arrive une formidable version pulsée de Xenophobia avec solos de Candy, Greg, Renato et John ! Vient alors le gimmick avec la question « es tu un leader ou un suiveur ? » mais elle n’est posée qu’au public et à Bibou, un fan qui est monté sur scène après avoir été sélectionné par Prince dans le public. Bibou s’assoit sur les coussins, et Prince lui livre un solo de guitare rien que pour lui !
« Je joue ce morceau pour tous ceux qui ne m’ont jamais vu auparavant » dit Prince avant de débuter Purple Rain au piano, et de la finir avec la guitare (dont il changera d’ailleurs pour prendre la guitare Symbole violette appelée Habibi au lieu de sa Telecaster qu’il tenait en main jusqu’ici). Ils doivent être contents chez Interconcerts !
Vient The Work version bien funky comme d’habitude, avec le concours de danse. Seules deux personnes montent sur scène dont Davy, un fan qui reprend sans problème les onomatopées vocales de Prince quand celui ci lui tend le micro. De nouveaux fans montent encore pour reproduire la chorégraphie de Prince, et il les taquinera en disant « voici les NSYNC ! ».
Le show se poursuit avec le titre Mellow ce qui est également une première pour moi. C’est là où on voit qu’il est intéressant de suivre plusieurs concerts, car les set list peuvent être sensiblement différents d’un soir sur l’autre. Pas de déception non plus avec le morceau suivant, 1+1+1 is 3 incluant des chants comme We Want The Funk et Housequake puis Love Rollercoaster. Après 10 minutes de funk première catégorie, Prince lance un « qui aime le blues ? » et débute un très chouette The Other Side Of The Pillow avec solos de Renato, Candy et Greg sans oublier les prouesses vocales du maitre.
Vient ensuite le segment appelé WNPG, autour d’un speech de Prince sur la musique actuelle et les radios, ou le rôle de la presse avec photo de son technicien Takumi en couverture du magazine Rolling Stone. Prince s’attriste d’entendre « toujours les mêmes titres en boucle du Top 40 » alors que d’autres morceaux mériteraient de passer en radio selon lui. Ce discours conduit à un Strange Relationship surpuissant avec solo de Rhonda puis Pass The Peas mené par le trio de cuivres. La suite logique est When You Were Mine, puis un Sign O The Times toujours excellent – cette fois joué à la Telecaster.
La première partie du show se conclut comme d’habitude avec Take Me With U et Raspberry Beret, suivis de The Everlasting Now avec solos de Candy, Greg et Maceo.
Après un break de quelques minutes, Prince revient pour un Pop Life bienheureux. Le solo de piano débute alors par Delirious intégrant un solo de Maceo, Greg et Candy. Puis nous avons Strollin intégrant la nouvelle routine U & Me.
Avec Gotta Broken Heart Again Prince va ravir le public et démontre qu’il est aussi un virtuose du chant. Le solo de piano continue avec Condition Of The Heart – Diamonds And Pearls – The Beautiful Ones – Nothing Compares 2 U et enfin The Ladder. Prince semblait vouloir s’arrêter là, mais finalement reste et joue Starfish And Coffee puis Sometimes It Snows In April avec un intense moment d’émotion dans la salle.
Le final est Days Of Wild joué cette fois sans faire monter de fans sur scène mais incluant de nombreux chants avec le public dont « One More Jam, for Prince & The Band », « We Want The Funk », « Who’s House? Prince’s House ! » et « It Ain’t Over ». Le final est sous forme d’apothéose, et Prince sort de scène en énumérant avec la grosse voix de The Rainbow Children les noms des musiciens.
Au final, nous avons eu un concert vraiment royal pour les fans français, avec plusieurs morceaux de l’album The Rainbow Children que nous n’avions pas entendu précédemment et l’ajout de quelques hits qui ont enflammé le public.
Nous étions encore dans l’extase de cet intense déluge de musique de plus de 2h30 de long, qu’il fut annoncé que l’aftershow prévu au Bataclan serait ouvert au public. Même si nous avions nos billets achetés à l’avance, on se disait que cela serait sûrement une boucherie sur place, et la suite nous donna raison… Nous quittâmes le Zénith prestement pour récupérer notre voiture judicieusement garée dans une rue à proximité.