Cet article relate mon expérience lors de l’aftershow donné par Prince au Palais Club, à Cannes, dans la nuit du 25 au 26 juillet 2010.
Contexte
Ces événements viennent directement à la suite du concert de Nice à l’Espace Nikaia, qui s’est déroulé plus tôt dans la même soirée.
Cet aftershow a lieu également trois jours après celui du New Morning, à Paris, et qui s’était terminé à 6h15 du matin.
Avant le show
En arrivant à Cannes, on se gare dans un parking et on se dirige doucement vers le Palais Club, où doit avoir lieu l’aftershow. C’est en fait juste à côté du fameux Palais des Festivals, presque sur la jetée au bord de mer. En arrivant devant, on se trouve d’emblée mal à l’aise. Il s’agit d’une immense discothèque pour une clientèle jet-set où se rendent des rangs entiers de jeunes m’as-tu-vus aux vêtements de marque et à la coupe gominée. Le moins que l’on puisse dire est qu’il y a un contraste saisissant avec notre aspect. Venu les mains dans les poches, avec juste un sac à dos, un short et un t-shirt, et après avoir eu chaud pendant les heures d’attentes et le concert lui-même à Nice, nous n’étions pas en état d’entrer dans une boite comme celle-ci. On fait tout de même la queue, et il se trouve que des instructions ont dû être donnés à l’équipe de sécurité juste à ce moment là. Car bien que certains se soient fait refouler au premier essai, l’entrée s’effectue ensuite sans problème pour nous. L’entrée est à 50 euros, exigés en liquide bien sûr. On nous remet un ticket, repris quelques mètres plus tard en passant un agent de sécurité.
L’endroit est immense, et comporte plusieurs salles à ambiances différentes, comme toutes les grosses boîtes de la côte. Il se disait que l’endroit pouvait contenir 3 500 personnes et ce n’est pas utopique. En déambulant, on voit une terrasse avec une scène érigée à l’extérieur, sous de larges plantes vertes. J’ai espéré un temps que le show ait lieu là, car la vue sur la mer en arrière plan au petit matin aurait été magique ! Mais c’est bien dans une salle à l’intérieur que l’aftershow aura lieu.
La salle en question peut contenir 500 à 600 personnes environ. Elle est divisée en deux : d’un côté, de nombreux canapés permettent aux gens de s’asseoir autour d’une table. De l’autre, une fosse pour danser debout. La scène est entre les deux, juste devant le poste du DJ. Les murs sont constitués de diodes lumineuses et d’énormes lettres défilent en épelant PRINCE, nous confirmant qu’il sera bien là ce soir. Quand nous arrivons, l’endroit est assez rempli mais il est encore possible de se mouvoir et nous retrouvons David assez facilement. On aimerait bien se rafraîchir, boire un verre. Renseignements pris, la moindre boisson est à 12 euros, et pour avoir une table il faut commander une bouteille de champagne à… 1 500 euros ! Oui nous sommes dans le temple du bling-bling, de la jeunesse dorée et insouciante, fils et filles de millionnaires ou autres nababs constituent la clientèle du lieu, ce qui donne une tournure assez risible à l’événement. Nous restons donc debout à patienter, au plus près de la scène.
L’autre anachronisme est la musique diffusée pendant que nous attendons Prince. Le DJ résident, Sacha Muki, est aux platines et balance un bousin techno lourdingue à fond les ballons, qui fut amusant les cinq premières minutes mais devint rapidement insupportable. La fête bat son plein dans les carrés VIP, certains dansent sur les tables, d’autres s’amusent avec une corne de brume qui nous déchire les tympans. Des créatures de rêve en robe de soirée boivent du champagne à même la bouteille. Un client pakistanais qui fêtait son anniversaire ce soir là offre des dizaines de bouteilles de champagne à toute la salle, pour une note qui a été estimée à plus de 400 000 euros ! Malheureusement, coincés dans la fosse nous n’en aurons pas une goutte…
Sur la scène, un peu en hauteur, les instruments sont installés mais on comprend que rien ne va sur le plan technique. En fait Backline, l’entreprise qui a été missionnée pour amener le matériel, a lu la fiche d’installation à l’envers et tout doit être changé de place : la batterie, les claviers, les micros, etc. Donc plein de monde s’affaire sur scène, alors que Prince attend dans les loges. On se dit que dans une ambiance pareille, et avec tant de problèmes techniques, il risque de se fâcher et partir. Mais il semble qu’il prenne tout cela à la rigolade, donc tout va bien. Toutefois le show va débuter avec beaucoup de retard.
Il est déjà plus de trois heures du matin et le show n’a pas encore démarré. Le stress monte d’un cran. En effet, nous sommes à 45 minutes de l’aéroport de Nice et notre avion est à 6h20 du matin. Il faut y être au moins 20 minutes avant. Si Prince joue jusqu’au petit matin comme au New Morning, il y a de fortes chances que nous rations notre vol. On décide alors du plan suivant : on quittera le lieu à 5h00 précises, que Prince ait terminé de jouer ou non.
Nous sommes positionnés sur le côté gauche de la scène, juste sous la batterie de Cora, à 2 mètres à peine de Josh et avec Prince juste derrière, autant dire que nous étions proches. J’avais seulement devant moi le fauteuil roulant de Christine, la fille qui a gagné un concours organisé par le forum néerlandais MoQuake lui ayant permis d’accéder aux backstages à Nice. Elle nous a montré les photos qu’elle a prise. A cet endroit, nous étions juste à la sortie… d’une machine à fumée ! Si bien que toutes les 5 à 10 minutes nous nous retrouvions tout à coup dans un épais brouillard !
Le show
Les musiciens s’installent petit à petit et testent leurs instruments par-dessus la musique diffusée par le DJ, qui n’arrête pas de scratcher. Le brouhaha musical est donc encore plus présent. Prince arrive enfin sur scène et la salle exulte. Des techniciens sont encore présents et règlent les derniers branchements techniques. Prince semble prendre tout cela avec un certain humour. Il règle la guitare, la repose, patiente en discutant avec Josh, s’assoit sur une caisse de matériel, échange quelques mots avec Bernardin, etc. Finalement, ils démarrent un groove qui se superpose grandement avec la musique techno pendant environ 10 minutes, et qui servira de soundcheck. Petit à petit, le groupe de Prince prend le dessus tandis que le DJ est toujours aux œuvres. L’ambiance musicale très rythmée fait que Prince démarre le show avec une furieuse version de The Jam, qui permet de présenter le groupe. Shelby est aussi mise en avant. Le public participe chaleureusement.
La techno s’est enfin arrêtée, et Prince ralentit un peu le rythme avec le groove de Thank You For Talkin’ To Me Africa, toujours dotée de scratches de la part de Sacha Muki. Le titre est l’occasion d’un long jam instrumental qui se poursuit par Thank You (Falettinme Be Mice Elf Agin), un morceau funk qui évidemment plait beaucoup à la salle et peut paraître comme un pied-de-nez à l’infâme musique techno diffusée peu avant.
Nouvelle baisse de régime avec I Want To Be Free, une balade Soul qui avait été jouée à la Cigale en 2009, et pour laquelle les choristes sont à l’honneur. On reste d’ailleurs dans les réminiscences de La Cigale car Prince enchaîne avec l’intro de Purple Rain menant en fait à Ol’Skool Company. Le titre va crescendo et se termine avec les chœurs de Also Sprach Zarathustra, avec une bonne partie de guitare. C’est Liv Warfield qui prend la suite avec sa version de When Will We Be Paid (troisième fois en trois jours), qui bien qu’inspirée commence à être un peu lourdingue pour nos oreilles.
Vient ensuite un Baby Love bien pêchu comme toujours, et qui terminera en apothéose avec Shelby, descendue dans la fosse, debout au milieu de la foule et criant « vive la France ! ».
Honnêtement cela aurait pu s’arrêter là tant l’énergie dégagée par le show est phénoménale. On sent clairement que l’on n’est plus dans le confort relaxé du New Morning, mais dans une ambiance de fête délurée. Le show se poursuit avec un titre tout particulier, Girls & Boys, qui sonne comme un air de souvenir pour tous ceux qui ont connu Prince à l’époque du tournage du film Under The Cherry Moon dans la région. Prince poursuit le groove avec une version déstructurée de Cream, qui elle-même s’enchaîne avec The Song Of The Heart et Get Up (I Feel Like Being A) Sex Machine sur un groove du tonnerre, avec participation du DJ Sacha Muki pour des scratches. C’est le moment d’un nouveau break, et il est pile 5 heures du matin.
C’est pour nous le moment de partir. A regret, nous devons nous enfuir comme des voleurs sans attendre la suite. Je fais le tour de la salle, j’arrive au vestiaire et je récupère mon sac à dos. Lorsque je me retourne, Prince passe à 1 mètre derrière moi, suivi par une nuée de fans. Nous ne le savions pas encore, mais le concert était effectivement terminé et Prince retournait dans sa loge.
Après le show
Très vite, nous nous retrouvons dehors sur la Croisette, par une belle matinée d’été, chaude et légèrement ventée. Seule solution pour être en 30 minutes à l’aéroport : appeler un taxi. On aperçoit une station taxi un peu plus loin, mais aucun véhicule n’y stationne. On utilise le téléphone intégré à la borne pour joindre le standard. Ca décroche, et on commande le taxi. Il lui faudra dix bonnes minutes pour arriver. Quelques instants plus tard nous voilà sur l’autoroute. Le chauffeur aime parler, il savait que Prince était en concert à Nice mais n’avait pas imaginé qu’il jouerait jusqu’au bout de la nuit ici. On a encore du mal à retrouver nos esprits, à se dire qu’il y a quelques minutes encore on était dans une boîte de nuit Cannoise à écouter un concert de Prince. L’excitation nous empêche de nous reposer, alors que nous voyons le soleil se lever par les vitres de la voiture.
Nous arrivons à l’aéroport dans les temps. Guichet, enregistrement, passage des contrôles de sécurité… tout s’enchaîne sans que nous ayons le temps d’y penser. Nous voilà dans le hall à attendre l’embarquement. Un hall froid, vide, et éclairé au néon. Quel contraste, quelle folie ! Notre avion n’est pas tout à fait plein. Cela nous permet de prendre nos aises, et de profiter du vol. Atterrissage, sortie de l’aérogare. Parking voiture, autoroute et retour maison. Il est alors 9 heures, le lundi 26 juillet 2010.