Cet article relate mon expérience vécue lors du concert de Prince à La Cigale, Paris, le lundi 12 octobre 2009.
Comme il est relaté dans cet article, c’est le lundi 12 octobre dès 9 heures du matin que nous avons la confirmation de l’événement à La Cigale pour le soir même. Les rumeurs avaient couru depuis l’annonce de l’arrivée de Prince en France le 5 octobre, et on se disait bien qu’il se passerait quelque chose entre le Grand Palais, dimanche, et le Grand Journal, mercredi. Pour autant il n’était pas certain du tout que Prince donnerait un concert, l’événement étant annoncé comme une soirée avec des DJ organisée par le label Because Music, et intitulée « Dance 4 Me Party ».
L’info nous est parvenue via un mail en français adressé par le site web Lotusflow3r, ce qui au départ a semblé étrange. Etait-ce un bug ? un hoax ? une blague ? On trouvait bizarre que Because Music ait eu ainsi accès à l’adresse officielle du site web Lotusflow3r mais après tout pourquoi pas. Le mail, intitulé seulement « A CE SOIR », était bien dans l’atmosphère empreinte de secret qui caractérise souvent Prince. Parlant au nom de Prince, le mail indiquait que l’événement est une « soirée de lancement de mon nouvel album ». Le tarif de 80 euros laissait planer un certain doute. On a rarement vu une entrée à une soirée DJ à ce prix là. Cependant, cela pouvait aussi être une soirée VIP, seulement ouverte à une clientèle très sélect et quelques fans. S’il était possible que Prince y soit, cela pourrait juste être pour faire coucou, se montrer, et écouter les titres de son dernier album joués par le DJ en sirotant une coupe de champagne.
![](https://calhounsquare.info/wp-content/uploads/2024/11/2009_cigaletix-300x171.jpg)
En arrivant vers 11h du matin devant la Cigale, le moins que l’on puisse dire c’est qu’il n’y avait pas foule. Moins d’une dizaine de fans étaient là, dont une bonne partie de visages familiers. Prenons un peu de recul. L’événement de la semaine, c’était le Grand Palais. Nous sommes juste le lendemain matin de cet événement ! La plupart des gens ont repris le boulot, et leur activité normale pour ainsi dire. Qui donc a été en mesure de lire un mail envoyé à 9 heures du matin, en étant susceptible d’être disponible dans l’immédiat pour aller récupérer un billet ? Là-dessus j’ai eu du flair, car j’avais justement pris une journée de congé. D’autre part il était impossible de récupérer la place pour quelqu’un d’autre puisqu’il fallait présenter sa carte d’identité, et la caissière barrait les noms sur une liste (d’environ 700 noms) au fur et à mesure.
La liste en question était celle des membres français inscrits sur le site web Lotusflow3r, et qui avaient payé un abonnement de $77 lors de l’ouverture du site. Si l’intention était louable au départ de vouloir privilégier les fans français qui avaient fait l’effort de s’abonner, cela a causé un certain nombre de problèmes. Déjà, il était possible de prendre seulement 1 place pour soi-même. C’est donc un peu, comme on dit en Angleterre, « be there or be square », autrement dit si t’es pas là c’est tant pis pour toi. Sur place à la Cigale se trouvaient aussi des ressortissants belges ou suisses, qui avaient fait le déplacement jusqu’à Paris pour les concerts du Grand Palais. Ces personnes étaient bien abonnées au site Lotusflow3r mais elles ne figuraient pas sur la liste réservée aux fans français, et il leur a donc été nécessaire d’attendre 17 heures et de voir s’il restait encore des places disponibles. Le stress fut important pour eux tout au long de la journée, et cette « discrimination » régionale fut l’objet d’un fort mécontentement. D’autant qu’un fan belge par exemple, qui habite à 300 km de Paris ne pouvait pas accéder à la billetterie, alors qu’un fan français habitant Marseille à 900 km pouvait le faire.
A ce stade, la rumeur la plus couramment admise pour cette soirée était que Prince jouerait « environ 15 minutes » pour « 2 à 3 titres ». Cette perspective découragea beaucoup de candidats potentiels. Payer si cher, tout en se rendant disponible à la dernière minute, et pour si peu, ce n’était pas donné à tout le monde. De plus, il y avait aussi en ligne de mire le Grand Journal, deux jours plus tard. Bien qu’un nombre limité de fans soit admis pour cet événement là, il avait au moins le mérite d’être accessible au plus grand nombre au travers de la télévision.
Après être resté quelque temps au abords de la Cigale pour discuter avec des connaissances ou essayer de glaner des infos pour les recalés de 17h, je reprends le métro vers midi pour me rendre rue Bayard et tenter d’assister au showcase RTL qui devait se dérouler l’après midi même.
En revenant sur place en fin d’après midi, la foule s’est considérablement amassée devant l’entrée de la Cigale. A vrai dire, la salle étant petite, je me suis dit qu’on devait bien voir de partout et je ne me suis pas mis la pression pour entrer dans les premiers. Après tout, j’avais déjà assisté au showcase RTL dans l’après midi où on était à peine une centaine. Il restait pas mal de temps à attendre avant l’entrée et beaucoup de fans étaient là pour obtenir les places restant en vente après 17 heures. Si bien qu’avec quelques autres fans, nous décidâmes de simplement aller dîner dans une brasserie à proximité. Cet agréable dîner m’a permis de me poser et recouvrer des forces, et d’aborder la soirée de bien meilleure façon car depuis la veille c’était le stress non stop.
Je me repositionne devant la Cigale alors que l’entrée des spectateurs commence tout juste. Comme à chaque fois cela bouscule un peu, mais on commence à être habitué. Une fois dedans, pas question pour moi d’aller dans la fosse. Je me positionne à gauche de la scène, sur un espace légèrement surélevé et ô joie, je m’agrippe à la barrière qui sépare cet espace de la fosse en contrebas. La vue de la scène est excellente, pile à la bonne hauteur. Les conditions semblent idéales. L’ambiance dans la salle est plutôt bon enfant. La scène est disposée avec une batterie, des claviers et des micros : en tous cas, Prince a bien tout à disposition pour jouer ! Les DJ animent la soirée mais avec des musiques qui ne correspondent pas trop au style attendu. L’attente fut assez longue et c’est seulement à 22 heures que les lumières s’éteignent.
Le show
Le concert débute par les accords de Purple Rain, mais je ne me fait pas prendre au piège puisque Prince avait déjà fait le coup chez Jay Leno : c’est en fait le titre Ol’Skool Company qui démarre en trombe. Ah enfin un titre du nouvel album ! Qui plus est de MPLSound, qui a la particularité d’être édité en album isolé en France. Le morceau est doté d’une longue introduction où Frédéric Yonnet (harmonica) et Morris Hayes (claviers) produisent des solos, appuyés par la foule des premiers rangs, jusqu’à ce que Prince arrive enfin du fond de la scène. Il est habillé de noir et d’un chapeau, et a une démarche féline et sexy. On sent d’entrée de jeu qu’il est heureux d’avoir réussi ses concerts du Grand Palais, et également d’être ici avec le carré des fans irréductibles. Le son à la Cigale est brillant, clair et précis, quel bonheur comparé au Grand Palais !
Après Ol’Skool Company, Prince enchaine avec Crimson And Clover, dans une version identique à celle jouée à la TV US chez Ellen Degeneres. Au moins, Prince remplit son contrat en jouant les morceaux de son dernier album ! A ce stade, je me dis qu’il va certainement jouer Dreamer (déjà vu à la TV US aussi) et nous dire au revoir puisque nous aurons eu nos trois titres. Mais il enchaine avec Stand, une reprise de Sly & The Family Stone qui évolue vers un jam funky assez sympa, et à ma grande surprise poursuit le morceau avec Turn Me Loose, un titre qui avait été joué aussi à la TV US chez Jay Leno cette fois, et qui est resté inédit ensuite ! Là on est vraiment dans un concert fait pour les fans. Nous sommes ravis. Le morceau se poursuit assez longuement et évolue vers un jam/rap contenant I Want You Back des Jackson 5.
Voila, nous devons en être à environ 15 minutes de show, et Prince débute alors Dance 4 Me, et là on se dit qu’on est déjà en bonus par rapport à ce qui était promis. La version, un peu laid-back, est très bonne et Prince l’agrémente de nombreux riffs funky. Elle est surtout prolongée à la façon du maxi single de Kiss, avec plusieurs breaks, et se termine assez involontairement avec une interpolation du « oh-oh-oh, oh-oh, oh-oh-oh-oh » repris du titre (Not Just) Knee Deep de Funkadelic. C’est la première fois que Prince joue Dance 4 Me de manière complète (il l’avait entonné à Monaco en août précédent, mais par-dessus le groove de Sexy Dancer). Après ce jam, on se demande encore si le show va continuer ou non.
La suite ne se fait pas attendre, avec cette fois No More Candy 4 U, une surprise totale et encore une fois une première ! Oui c’est bien LE show de promo du nouvel album, bien plus que le Grand Palais. Cela faisait longtemps que Prince n’avait pas défendu un album avec autant de nouveaux titres dans le même concert. Ce titre particulièrement démontre que le groupe qui accompagne Prince sait groover efficacement, les parties de basse et les breaks sont très bien exécutés. Il y avait en effet depuis 2007 beaucoup de critiques sur le groupe, et notamment la section rythmique de Cora Coleman-Dunham et Josh Dunham, souvent jugée trop mollassonne. Là, le groupe joue avec énergie et rapidité, avec parfois même un peu trop d’énervement, un peu comme si Prince leur avait demandé de jouer à fond.
Bon là ça y est on a eu ce qu’on voulait, et Prince quitte la scène, on pense que ça va se terminer à cet instant. Mais le public est très chaud. Après quelques minutes, Prince revient avec sa guitare et livre une longue intro en solo, qui mène ensuite au titre Shhh, joué encore de façon énergique et déterminée, et avec forte participation du public ce qui ravit Prince. Cette fois on se dit que le show sera surement plus long que prévu. Les fans du premier rang en étaient déjà conscients, car ils avaient pu observer une longue liste de titres disposés sur des feuilles posées au bord de la scène. Nouveau démarrage de titre, c’est cette fois l’instrumental de Billy Cobham, Stratus, qui est proposé, et est l’occasion de nombreux solos.
De nouveau seul avec sa guitare, Prince entonne le titre Girl, proposé par surprise lors du premier show au Grand Palais. Prince semble presque trop pressé de la chanter (alors qu’au Grand Palais il avait amené ce titre subtilement) mais le morceau évolue bien et se termine avec une bataille entre les garçons qui disent « Girl » et les filles qui disent « Boy ».
La suite provoque également des cris de surprise, puisque c’est le beat de Forever In My Life et Prince démarre la chanson « sur demande spéciale » dira-t-il, sans que l’on sache qui lui a fait cette demande. Le public est mis à contribution pour les chœurs, et évidemment ça marche très bien !
Shelby J prend le lead pour une excellente version de Baby Love, reprise des Mother’s Finest, et que nous avions déjà entendu à Londres en 2007. Le titre est l’occasion de nouveaux solos de guitare de la part de Prince, qui élèvent le morceau à un niveau stratosphérique. Une version courte mais motivée de Peach vient ensuite, avant laquelle Prince demanda si le public était « prêt à sauter ». Toujours dans le répertoire de Londres 2007 et aussi du Grand Palais, Sexy Dancer vs Le Freak nous permet de rester très chaud, surtout que la version est très funky et agrémentée de long solos, ainsi que du chant All Day, All Night, repris fortement par le public.
Une pause relativement longue intervient ensuite, et on se demande si le show ne va pas s’arrêter là. Le contrat est déjà remplit et même largement dépassé. Mais il y a comme une incertitude à chaque fois, où on se dit que Prince peut partir et en rester là. Le public continue de chanter à répétition le refrain de All Day, All Night.
Les chanteuses reviennent, le groupe aussi, et c’est une nouvelle reprise, I Want To Be Free des Ohio Players, qui est proposé au public parisien. La version est superbe et proche de l’originale. Prince poursuit dans les reprises soul / funk avec Sing A Simple Song, puis Thank You (Falettinme Be Mice Elf Agin), et un mashup de You Bring Me Joy et de Be Happy, tous deux repris de Mary J Blidge. A ce stade, Prince joue avec le public en expliquant qu’il veut « rentrer à la maison » pour se coucher mais nous, on ne veut pas ! « Vous êtes prévenus… » menace Prince, prêt à relancer le show.
Après la série de reprises, Prince revient à ses propres classiques avec 7 couplé à Come Together des Beatles à la façon de ce que l’on connaissais à Londres en 2007. Ensuite c’est un Dreamer tant attendu mais écourté qui vient clôturer un show déjà extrêmement riche !
Le public n’est pas prêt à laisser partir Prince pour autant, et il revient effectivement avec un groove assez sourd que je ne reconnais pas au premier abord… et les bras m’en tombent littéralement lorsque je comprends qu’il s’agit de The Bird ! Oui, le morceau de The Time que jamais je n’aurais espéré entendre un jour en live. Je ramasse mes bras pour prendre part à la chorégraphie à l’unisson avec le reste de la salle, en mimant un battement d’ailes. Lorsque le groove de The Bird évolue vers Jungle Love, autre morceau de The Time, je me crois un instant au First Avenue, à Minneapolis, imaginant les heureux élus qui découvrirent ces morceaux à l’occasion du tournage du film Purple Rain. Je pensais que Prince m’avait captivé en 1986, subjugué en 1987, envouté en 1988, transcendé en 1994, enfoncé en 1998 et 2002 avec ses concerts au Zénith, et marqué à vie avec l’after du 21 sept 2007 à Londres… mais il me restait encore La Cigale 2009 à vivre !
Le medley Old School Minneapolis Sound se termine avec The Glamorous Life, avant lequel Prince explique qu’il « vient de Minneapolis » mais qu’il veut « vivre en France ». Il s’est plaint également qu’on ne joue plus sa musique à la radio aux États-Unis. Le coda de The Glamorous Life tend à faire croire que le show est terminé, mais il reste encore un morceau de choix : 3121, un titre qui enflamme la Cigale, alors que de nombreux spectateurs sont invités sur scène pour danser, dont une jolie jeune femme avec un grand décolleté. « Je l’adore » dira Prince en la désignant du doigt.
L’apothéose ultime et le morceau final est Purple Rain, un titre surprenant dans ce qui ressemble plus à un aftershow, mais qui permet de clôturer la soirée en beauté, dans un sentiment de communion totale avec le public. Certainement le meilleur moyen pour Prince d’en terminer là, après plus de 2 heures et 45 minutes ! Quand on pense qu’il devait jouer 15 minutes…
Après le show
Comment dire ? Comment expliquer ce qui s’est passé alors que nous n’attendions rien. Comment consoler les oubliés, les indécis, les découragés, ou ceux qui ne pouvaient juste pas y être ? Oui le Grand Palais c’était très bien, au bémol près du son, mais la Cigale a tout explosé. Un vrai plaisir de voir Prince de si près, de façon totalement libéré, dans une si petite salle, avec un son exemplaire et une vraie joie d’être avec son public, celui des fans. Combien de fois Prince est il revenu ? 4, 5, 6 fois ? Le show de la Cigale est tout à fait à la hauteur de ses précédents aftershows d’anthologie en France, comme le Rex Club en 1993 ou le Bataclan en 2002.