Cet article relate mon expérience vécue lors du concert de Prince à Paris Bercy, le 15 juin 1987 lors de la tournée Sign O The Times. Il s’agit du second concert auquel j’assiste de cette tournée, après celui du 13 juin.
Avant le show
Comme expliqué dans l’article sur le concert du 13 juin, je me suis rendu à Bercy le lundi 15 juin en espérant trouver sur place un ticket de concert au marché noir. Comme le samedi précédent, c’est un jour de pluie soutenue mais avec une tendance tout de même un peu moins forte. Le lieu de rencontre par prédilection est évidemment le café situé juste en face et il me suffit d’interroger quelques personnes pour trouver, assez facilement, un billet gradins pour le concert du soir et en plus au tarif normal. C’est la chance du débutant, ou la bonne étoile du fan de Prince, je n’en sais rien, mais c’est toujours agréable quand on est un lycéen fauché et que le marché noir est florissant vu que les quatre concerts sont sold out. Cependant, on est sur la date d’un lundi soir, donc peut être une soirée moins prisée que le samedi ou le dimanche. Il y a d’ailleurs sensiblement moins de monde aux abords de Bercy durant l’après midi.
Comme ce fut le cas le samedi précédent, les responsables de Bercy ont été suffisamment sympathiques pour nous permettre d’entrer dans le hall principal, et ainsi éviter de rester à l’extérieur sous la pluie. C’est là que se produit l’une des anecdotes les plus croustillantes de ma vie de fan de Prince. Alors que je déambulais dans le hall pour patienter, un homme d’âge moyen vient me questionner en anglais. Je comprends alors vaguement que ce monsieur cherche à rejoindre « the stage », autrement dit « la scène ». Mais à cet instant, et malgré mon niveau d’anglais plutôt bon au lycée, je fus totalement à côté de la plaque. J’ai traduis « the stage » par… « le stage » ! Et je pensais que le monsieur en question était un stagiaire quelconque qui se trouvait en retard pour rejoindre son boulot. Je lui répondis que je ne savais pas du tout où était le stage, et il a du comprendre que je n’avais rien compris, et il est parti. Je comprendrai quelques temps plus tard en revoyant sa photo que je m’étais adressé en fait à Alan Leeds, le propre tour manager de Prince, et frère d’Eric Leeds son saxophoniste !
L’autre anecdote marquante de cette journée eut lieu au moment de l’ouverture des grilles d’escalier donnant l’accès aux gradins. Je me suis précipité comme un déchaîné, j’ai piqué un sprint inimaginable et dépassé les quelques personnes qui avaient pu passer avant moi. Au bout du couloir, je me suis engouffré par la porte permettant l’accès à la salle, puis j’ai dévalé quatre à quatre les marches menant jusque les premiers rangs, sautant prestement par dessus une ou deux rangées de sièges afin d’accéder à mon but ultime : une place au premier rang, dans le bloc à gauche le plus proche de la scène, juste séparé de la fosse par les fameuses barrières rouges de Bercy.
Je suis dans la place mais dans un état physique assez moyen, ayant tout donné pour parvenir jusque là. Je m’assois sur mon siège, et me repose en appréciant le moment. La salle continue de se remplir. A ma gauche une jeune demoiselle sympathique. Il se trouve que sa mère a souhaité l’accompagner au concert, seulement elles n’ont pas acheté leur billet ensemble. La mère a une place fosse, et la fille une place en gradins. Elles discutent l’une en haut, l’autre en bas. La mère commence à me demander si je ne veux pas échanger ma place assise contre une place en fosse afin qu’elles soient ensemble, pour moi il n’en est pas question. S’ensuit alors un long échange entre mère et fille pour négocier un échange de place, la fille préférant être en fosse, mais la mère ne voulant pas, et comment la fille pourra remonter dans les gradins, etc. Entre temps un agent de sécurité s’interpose car il ne faut pas rester là bref c’est le bazar. Finalement la mère, peu aimable, prend le siège en gradins et la fille descend. Je n’ai pas vraiment gagné au change.
Le pire reste à venir : quelques minutes plus tard, la fille revient et demande à sa mère de conserver sur elle un objet qu’elle vient de recevoir dans la fosse. Il s’agit d’une invitation pour le tournage d’un clip vidéo à Bercy, pendant le jour de relâche du mardi 16 juin c’est à dire demain ! Je suis sidéré, Prince va tourner un clip ici même ! Je demande à la fille si elle peut obtenir un autre carton et elle me répond d’un air dédaigneux « non, il n’y en a plus« . Zut et zut, je viens de manquer de peu de pouvoir participer au tournage d’un clip de Prince… Ce sera le clip de U Got The Look, que l’on retrouvera ensuite dans le film Sign O The Times. Ce fut un vrai calvaire, car à de nombreux moments avant le début du concert, dès que mon attention revenait sur ce point, je n’avais de cesse de chercher un moyen pour dérober à la dame son fameux carton. Mais bon, ce n’est pas dans mes habitudes.
Le show
Comme lors du concert du 13 juin, je n’ai que peu de souvenir du show lui-même à part de rares images. Il y a toutefois un moment particulièrement poignant qui marqua à tout jamais mon histoire de fan. Pendant le titre I Could Never Take The Place Of Your Man, Prince se dirige vers la gauche de la scène pour effectuer un long solo de guitare. Il monte alors sur une petite plate forme qui se trouvait justement pile en face de mon siège. J’ai ainsi pu me délecter de ce solo en regardant Prince à tout juste quelques mètres de moi. L’apparition fut quasi irréelle et incontestablement, elle ancra en moi la musique de Prince pour le reste de ma vie.
Le set list fut identique pour les deux concerts auxquels j’ai assisté.
Après le show
Le fait d’avoir vu deux fois le même show ne diminua pas mon enthousiasme, bien au contraire. Nous avions réellement l’impression d’avoir vu et entendu quelque chose d’extraordinaire. Dans le métro du retour, je retrouvai les mêmes expressions sur les visages hébétés. Et je pouvais maintenant dire « je sais ce que vous ressentez« . De plus en plus, je devenais incontestablement un fan de Prince.