Cet article relate mon expérience vécue lors du concert de Prince au Bataclan, dans la nuit du 5 au 6 mai 1994.
Le contexte
Au début de l’année 1994, Prince obtient un succès mondial avec le tube The Most Beautiful Girl In The World. Il s’agit du premier single édité sous le nom de Symbole, de façon indépendante chez NPG Records. Le single est un immense pied de nez à la Warner, avec qui Prince est en conflit depuis l’année précédente. A l’occasion de la présence de Prince en Europe pour les World Music Awards, deux « aftershows » eurent lieu au club Stars’n Bars, à Monaco les 3 et 4 mai. Le lendemain, un détour par Paris fut organisé car à la surprise générale, Prince accepta l’invitation de la chaîne Canal+ pour jouer un titre live dans l’émission Nulle Part Ailleurs. Il s’agit de sa première prestation TV sur une chaîne européenne ! Et à cette date, ses apparitions dans des shows TV aux États-Unis se comptaient sur les doigts d’une seule main. L’événement avait également pour but de promouvoir la sortie du maxi single The Beautiful Experience qui venait d’être édité en guise de remerciement.
Quelques semaines après, un film-TV également intitulé The Beautiful Experience était diffusé dans différents pays (et sur Canal+ en France), présentant toute une série de nouveaux morceaux émanant du Symbole.
Avant le show
Le jour du concert, Prince est donc présent dans l’émission Nulle Part Ailleurs, avec Antoine de Caunes et Philippe Gildas. Après une énorme attente et une pression de plus en plus soutenue tout au long de l’émission, Prince jouera finalement un seul titre ce soir là : Endorphinmachine.
A l’issue de l’émission, il est annoncé qu’un concert surprise se tiendra au Bataclan, une salle d’environ 1 000 places, à trois heures du matin !
Pour ma part je n’avais pas eu la possibilité d’assister à Nulle Part Ailleurs et dans un sens c’était mieux ainsi, puisque cela me laissait le temps de m’organiser pour me rendre à l’aftershow. Toute la journée, d’importantes rumeurs ont couru sur les 2 ou 3 endroits où il pouvait avoir lieu. Je regardais donc la performance de Prince depuis chez moi à la télévision, déjà excité par les événements qui s’annonçaient, et attendant les infos.
La confirmation de l’aftershow eut lieu dans l’heure d’après, l’information ayant été donnée dans le studio de Nulle Part Ailleurs. Le bouche à oreille a ensuite très bien fonctionné, et l’information fut relayée parmi les fans sur le minitel et via les appels téléphoniques.
Je pris alors ma voiture pour rejoindre le 11ème arrondissement de Paris. Lorsque je suis arrivé sur place, vers 22 heures, il y avait déjà une file d’attente assez longue. Au final, environ 800 personnes ont assisté au show.
Une fois encore l’attente promettait d’être longue sous une météo capricieuse. Néanmoins l’ambiance était à la fête, surtout lorsque le camion avec le matériel du concert est apparu, et qu’un immense symbole doré a été déchargé !
L’entrée s’est effectuée a l’heure dite après un droit d’entrée de 150 FF. La salle du Bataclan se prête parfaitement aux concerts de ce type. Le décor fut bien sur très simple, avec le symbole doré en fond de scène. Le clavier de Tommy Barbarella, sur la droite, était décoré d’un drapeau américain.
Le show
Le concert débute à 3h15, et d’entrée de jeu Prince met la salle à genoux avec une première mondiale : le titre Gold. Près d’un an et demi avant la sortie sur disque de ce titre, Prince nous en fait cadeau et le public adhère totalement à ce morceau interprété avec conviction.
Il est clair que ce show est dévoué à un public de fans hardcore et de connaisseurs. L’idée est de présenter les nouveaux morceaux émanant de Symbole, qui étaient à cette époque destinés à faire table rase de tous les hits que Prince avait produit dans les années précédentes !
Nous assistons à un show parfaitement rodé dans une ambiance survoltée. Suivent deux morceaux de Larry Graham : The Jam et I Believe In You. Pendant The Jam l’Artiste considère que le solo de Morris Hayes n’était pas assez fort, et lui a demandé de le rejouer.
Je constate aussi avec amusement que le public français est toujours aussi bon en langues étrangères ! La phrase « on my guitar, yeah » hurlée par Prince devient « oh na na na hééé » repris par le public ! Terrible.
Interactive (version du film TV Beautiful Experience) vient alors, suivie de Days Of Wild incluant une portion de Hair de Larry Graham) puis de Now (incluant Babies Makin’ Babies de Sly & The Family Stone). Découvrir ces morceaux en petit comité, avec Prince à moins de 10 mètres de nous sur scène, est juste fantastique.
On eut droit également à une splendide version de The Ride avec participation du public. Prince fait sortir de sa nouvelle guitare en forme de Symbole des plaintes inimaginables, et l’héritage de Jimi Hendrix est parfaitement assumé.
La musique « R&B » revient ensuite avec Acknowledge Me suivie de la ballade Dark. Grosse ovation aussi pour Solo, un titre qui restera rarement joué en concert. Vient ensuite une autre nouveauté, Race. Si ce titre avait été joué dans quelques concerts de la tournée Act II, il n’était pas encore paru sur disque puisque l’album Come n’est paru qu’en août 1994.
Sur le dernier titre, Peach, Mayte vêtue comme souvent d’un bikini ou d’un short très court n’a pas hésité à se jeter plusieurs fois dans le public, et ce qui devait arriver arriva : un petit malin a réussi à dégrafer son soutien-gorge ! Contre l’avis de Prince, qui lui disait « ne le fais pas, ne le fais pas », elle a l’a enlevé complètement et a dansé seins nus avant de revêtir un long manteau noir qu’elle laissait toutefois (négligemment) entrouvert. Le public était si chaud qu’au moment de partir l’Artiste a demandé à Michael B de faire un petit solo de batterie pour calmer les « motherfuckers » parisiens !
Le show s’est ainsi terminé à cinq heures et quart…
Après le show
La sortie du show est juste irréelle, et j’ai eu l’impression de retrouver les émotions et sentiments connus à la sortie des shows des années 1980. Voir Prince dans ces conditions, une petite salle, pour livrer des nouveaux titres inconnus du public et d’une grande qualité, cela nous a laissé pantois. J’étais comme sur un nuage, et je n’ai même pas été surpris lorsque j’ai aperçu ma voiture portée à bras par tout un groupe de gens qui souhaitaient la déplacer. Je venais de réaliser que nous sommes au petit matin, et effectivement je m’étais garé sur un emplacement servant au marché, et celui-ci commençait à se mettre en place. La vie normale devait reprendre son cours. Avec un sourire jusqu’aux oreilles, je suis monté dans ma voiture et j’ai laissé tout ce groupe de gens vociférer à mon encontre sans que cela m’affecte le moins du monde. Je pense que je devais être sur une autre planète !